mercredi 19 août 2009

Un premier vidéo sur YouTube pour le Collectif !


Le Collectif de Babel est heureux de pouvoir présenter son tout premier vidéo, sa toute première communication à être envoyée sur la plateforme bien connue YouTube. Cliquez Play ici même ! Ou rendez-vous directement sur YouTube : http://www.youtube.com/watch?v=pSVK3_AkcHw (le vidéo) et http://www.youtube.com/user/collectifdebabel (« chaîne » du Collectif de Babel, où nous listerons tous nos futurs vidéos). Postez-nous vos commentaires, sur YouTube ou directement sur le site !

Le vidéo « Nombre de Babel » propose une introduction sommaire au premier projet du Collectif (numéroté Aleph 1) du même titre. Rappelons rapidement que le projet « Nombre de Babel » a pour objectif la lecture informatisée à l'intérieur d'un espace muséal et/ou interactif du nombre 25 à la puissance 1 312 000, soit le nombre exact de livres distincts dans la Bibliothèque de Babel imaginée par J.L. Borges. Pour tous les détails, voir ICI. Le vidéo s'efforce de présenter succinctement et clairement le projet : ses origines littéraires, ses bases conceptuelles, ses difficultés propres, ses stratégies. Il utilise comme trame sonore la lecture du nombre lui-même — du moins ses six premières minutes... (La lecture intégrale du nombre, dépendamment des conditions choisies, est censée durer entre trois semaines et plusieurs mois !) En arrière-fond, sous le texte, on a choisi de mettre une toile dynamique, qui rappelle le vieux parchemin et sur laquelle on verra s'imprimer progressivement deux ou trois spires florales...

Le vidéo ne représente qu'une introduction, dans tous les sens du terme (abord, accès, approche... mise en œuvre, mise en place, mise sur pied...). Un article complet est prévu pour accompagner le projet, en lequel ses créateurs (Charles Robert Simard et Alexandre F., co-initiateurs du Collectif) croient beaucoup. Cela va sans dire que le vidéo ne se substitue en rien à la réalisation éventuelle du projet, en musée ou sur la Toile.

Deux versions audios/vidéos distinctes du « Nombre de Babel » sont en train d'être réalisées, une en français et une en anglais, en plus de l'enregistrement (bilingue, encore une fois) du tout début et de la toute fin de la lecture du nombre. Le fruit de ce travail sera présenté à différents endroits du site du Collectif, ainsi que sur YouTube pour la portion vidéographique.

Je me permets de retranscrire ci-après le texte du vidéo. Certains trouveront plus facile de le parcourir ici que de le lire en vignette vidéographique. La matière est sans doute un peu dense par endroits, mais il ne faut surtout pas se décourager ! Le « nombre de Babel » n'est qu'un nombre, seulement plus grand qu'à l'habitude...

Projet א1

« Nombre de Babel »

(texte du vidéo http://www.youtube.com/watch?v=pSVK3_AkcHw)

Qu'est-ce que le « Nombre de Babel » ?

Ce que vous entendez actuellement est la lecture par voix informatisée d'une transcription exhaustive du nombre 25 à la puissance 1 312 000, baptisé « nombre de Babel ».

Ce nombre démesuré correspond au nombre de livres distincts contenus dans l'immense « Bibliothèque de Babel » imaginée par l'écrivain Jorge Luis Borges en 1941.

« L'univers (que d'autres nomment la Bibliothèque) se compose d'un nombre indéfini, et peut-être infini, de galeries hexagonales, avec au centre de vastes puits d'aération bordés par des balustrades très basses. De chacun de ces hexagones on aperçoit les étages inférieurs et supérieurs, interminablement. [...] »

Jorge Luis Borges (1899-1986), « La Bibliothèque de Babel »

La présentation des livres de la Bibliothèque de Babel est toujours la même. Elle permet de conclure au nombre de Babel (25 puissance 1 312 000). Voici ces critères de présentation :

1) 410 pages par livre, 40 lignes par page, 80 caractères par ligne ;

2) Pour chaque livre, 25 caractères typographiques admis : 22 lettres et 3 signes de ponctuation, le point, la virgule et l'espace.

On a donc : 410 × 40 × 80 = 1 312 000 emplacements possibles pour les 25 caractères possibles

D'où l'on tire qu'il y a exactement 25 puissance 1 312 000 livres distincts possibles dans toute la Bibliothèque. CQFD.

Le calcul logarithmique permet de mieux imaginer le nombre de Babel :

25 exposant 1 312 000 10 exposant 1 834 097, soit 1 suivi de 1 834 097 zéros.

À peine imaginable, le nombre de Babel est beaucoup, beaucoup plus grand que le nombre de particules dans l'Univers. C'est toutefois un nombre fini, donc théoriquement nommable et transcriptible.

La transcription du nombre de Babel nécessite au moins deux choses :

1) la conception d'une procédure informatique capable de générer le nombre et les termes qui le désignent (chiffres de 0 à 9, puissances de 10, etc.) ;

2) l'adoption d'un « système lexicographique » capable de rendre compte des très grands nombres.

En 2009, le Collectif de Babel s'est attelé à la tâche.

Dans le cas d'une lecture traditionnelle en français (millions, milliards, billions, billiards... jusqu'aux décatilliards ou centilliards), l'ordre de grandeur du nombre de Babel (près de deux millions de chiffres !) nous force à utiliser un système « en boucles », employant toujours la même série de termes.

Le système traditionnel présente le désavantage d'être réitératif et de ne fournir aucune information sur la magnitude générale du nombre : impossible de dire si, pour un moment donné de la lecture, on se situe au début, au milieu ou à la fin de la série de ses chiffres.

De plus, il utilise un ordre cumulatif de préfixes qui allonge progressivement sa transcription : millions devenant vite duodécillions devenant vite quattuorquinquagintaquadringentillions... !

C'est pourquoi la présente lecture emploie un système « maison » de lecture, plus pratique, plus économique et plus logique.

Voici comment cela fonctionne :

a) Le nombre de Babel est divisé en groupes de trois chiffres, comme dans le système que nous connaissons : 123/456/789/etc. On obtient 611 366 triplets de chiffres, sans reste.

b) Chaque triplet de chiffres est associé à un préfixe latin fonctionnant en base 10 :

1 = uni-, 2 = duo-, 3 = tri-, 4 = quadri-, 5 = quin-, 6 = sex-, 7 = septen-, 8 = octo-, 9 = nona-

et 0 = sifri- (de l'arabe sifr, « vide », « zéro », le zéro n'étant pas une invention gréco-latine).

c) En plus de son ou ses préfixes, chaque triplet est également associé à un « radical » ou « suffixe » qui le complète :

1 = -unilliers, 2 = -duolliers, 3 = -trilliers, 4 = -quadrilliers, 5 = -quintilliers, 6 = -sextilliers, 7 = -septilliers, 8 = -octilliers, 9 = -nonilliers et 0 = -sifrilliers.

(En anglais, les suffixes en –iers deviennent suffixes en –ions, par souci d'euphonie, mais aussi en regard du système anglo-saxon de lecture qui emploie un autre type de succession : million, billion, trillion...)

d) Seul le tout dernier triplet d'un nombre ne reçoit ni préfixe ni suffixe. (Cet ajustement conserve une certaine incohérence du système traditionnel de lecture des nombres.) À l'intérieur de chaque triplet, les catégories usuelles restent inchangées : centaines (position 3), dizaines (position 2) et unités (position 1).

Exemple : en « nouvelle notation », le nombre 123 456 789 123 456 789 se lit

123 quintilliers 456 quadrilliers 789 trilliers 123 duolliers 456 unilliers 789.

Le nombre 123 456 789 123 456 789 123 456 789 123 456 789 123 456 789 123 456 789 se lit 123 uni-septilliers 456 uni-sextilliers 789 uni-quintilliers 123 uni-quadrilliers 456 uni-trilliers 789 uni-duolliers 123 uni-unilliers 456 uni-sifrilliers 789 nonilliers 123 octilliers 456 septilliers 789 sextilliers 123 quintilliers 456 quadrilliers 789 trilliers 123 duolliers 456 unilliers 789.

Les nouveaux préfixes employés permettent d'évaluer immédiatement la position du triplet dans toute la magnitude du nombre. Ainsi, pour « 123 uni-septilliers », on se représentera le nombre 123 suivi de 17 groupes de trois chiffres (UNO-SEPTilliers).

Pour « 456 septen-uni-duo-sifri-quintilliers », on se représentera le nombre 456 suivi de 71 205 groupes de trois chiffres. Et ainsi de suite !

C'est cette « notation nouvelle », non réitérative et pas trop proliférante, que vous entendez en ce moment. Le nombre commence par la série 195603991760133212910992218... et se termine logiquement, quelque 1 834 000 chiffres plus loin, par un multiple de 25 : ...859594404697418212890625.

« Nombre de Babel », premier projet du Collectif du même nom, se destine à une présentation muséale et peut être adapté à la fois comme œuvre multimédia et musicale. Selon la voix synthétique et le système lexicographique employés, une lecture unique du nombre de Babel dure entre 3 semaines et plusieurs mois.

Charles Robert Simard et Alexandre F.

© 2009, Collectif de Babel

Bon visionnement, et à bientôt, Bibliothécaires de Babel !


jeudi 13 août 2009

Un premier logo pour le Collectif !



Comment le trouvez-vous ? Voici le premier logo du Collectif de Babel que nous vous proposons. Il est une création de Chantal Poirier, formidable personne, étudiante à la maîtrise en sociologie à l'UQAM, mais surtout conjointe du présent rédacteur. (Les contacts, c'est important.) Les symbolismes, textuels, graphiques ou géométriques, y sont nombreux, mais l'ensemble demeure sans doute un peu cryptique. Je me permets donc quelques explications / quelques gloses :

— Le « texte », « graphème » ou « figure » centrale est probablement ce qui intrigue le plus. Il s'agit d'un « aleph » (א), la première lettre de l'alphabet hébreu et l'indice d'une sémantique chargée. La police utilisée est la très populaire Times New Roman, une police à très joli empattement (« serif » en anglais), surtout lorsqu'agrandie. Dans notre logo, l'aleph comporte un « indice » (indication numérique ou littérale qui sert à caractériser un signe, et placée le plus souvent en bas à droite : « an » se lit « a indice n »), une marque qui en précise la teneur. Il s'agit ici d'un bêta minuscule (β), seconde lettre de l'alphabet grec, historiquement très proche du b français (roman) ou anglais (germanique) auquel nous sommes accoutumés. La police employée ici (« Batang Regular », en italique) lui ajoute une texture et une inclinaison intéressantes. Son empattement tout en rondeurs suggère une sorte de délicatesse de propos, là où sans doute le radical en aleph procure à l'inverse force et stabilité, voire pesanteur.

Pourquoi avoir choisi ces symboles parmi tant d'autres possibilités typographiques et graphiques ? En premier lieu, l'aleph hébreu renvoie naturellement à l'écrivain Jorge Luis Borges, qui en a fait le titre d'une superbe nouvelle, la dernière d'un recueil éponyme (L'Aleph, 1949), et qui était familier avec ses échos à la fois profanes (mathématiques des infinis chez Georg Cantor) et sacrés (tradition kabbalistique... et cabalistique). Cette mention mérite une longue citation tirée de la nouvelle, qui l'explicitera davantage :

dans un angle de la cave il y avait un Aleph. Il précisa qu'un Aleph est l'un des points de l'espace qui contient tous les points. [...] Je fermai les yeux, les ouvris. Alors je vis l'Aleph. [...] À la partie inférieure de la marche, vers la droite, je vis une petite sphère aux couleurs chatoyantes, qui répandait un éclat presque insupportable. Je crus au début qu'elle tournait ; puis je compris que ce mouvement était une illusion produite par les spectacles vertigineux qu'elle renfermait. Le diamètre de l'Aleph devait être de deux ou trois centimètres, mais l'espace cosmique était là, sans diminution de volume. Chaque chose (la glace du miroir par exemple) équivalait à une infinité de choses, parce que je la voyais clairement de tous les points de l'univers. Je vis la mer populeuse, l'aube et le soir, les foules d'Amérique, une toile d'araignée argentée au centre d'une noire pyramide, un labyrinthe brisé (c'était Londres), je vis des yeux tout proches, interminables, qui s'observaient dans moi comme dans un miroir, je vis tous les miroirs de la planète et aucun ne me refléta, je vis dans une arrière-cour de la rue Soler les mêmes dalles que j'avais vues il y avait trente ans dans le vestibule d'une maison à Fray Bentos, je vis des grappes, de la neige, du tabac, des filons de métal, de la vapeur d'eau, [...] la circulation de mon sang obscur, l'engrenage de l'amour et la transformation de la mort, je vis l'Aleph, sous tous les angles, je vis sur l'Aleph la terre, je vis mon visage et mes viscères, je vis ton visage, j'eus le vertige et je pleurai, car mes yeux avaient vu cet objet secret et conjectural, dont les hommes usurpent le nom, mais qu'aucun homme n'a regardé : l'inconcevable univers.

[...]

[Post-scriptum du 1er mars 1953. —] Je veux ajouter deux remarques : l'une, sur la nature de l'Aleph ; l'autre, sur son nom. Ce dernier, comme on le sait, est celui de la première lettre de l'alphabet de la langue sacrée. Son application à mon histoire ne paraît pas fortuite. Pour la Cabale, cette lettre signifie le En Soph, la divinité illimitée et pure ; on a dit aussi qu'elle a la forme d'un homme qui montre le ciel et la terre, afin d'indiquer que le monde inférieur est le miroir et la carte du supérieur ; pour la Mengenlebre [faute dans le texte de Gallimard, collection L'imaginaire : il faut lire Mengenlehre, nom allemand de la « théorie des ensembles »], c'est le symbole des nombres transfinis, dans lesquels le tout n'est pas plus grand que l'une des parties. [...]

(« L'Aleph », 1949, in L'Aleph, trad. René L.-F. Durand)

Sorte d'intercesseur transcendantal, l'aleph conduit donc à travers l'écriture borgésienne à une sémiologie totalisante, à une divinisation de la position subjective et regardante. Il résume possibilités phénoménologiques et ontologiques, événements et principes du monde en un même mouvement giratoire, en une même connaissance et co-naissance simultanées. On peut le considérer comme une appropriation spécifiquement littéraire, parce que graphique et alphabétique, des notions d'infini(s) et d'infinité.

Précisons que dans les mathématiques de Georg Cantor (1845-1918) et dans la théorie des ensembles, les aleph (א), notion centrale, sont des « nombres cardinaux caractérisant la puissance d'un ensemble infini ». Aleph-zéro (א0) désigne le « nombre cardinal de l'ensemble des entiers naturels » ; aleph-un (א1), le « nombre cardinal de l'ensemble des nombres ordinaux dénombrables »... Pour plus d'informations sur le sujet, on consultera certains articles de Wikipédia (Aleph (nombre), Nombre transfini, Georg Cantor) ou de Wikipedia (Aleph number, Transfinite number, Georg Cantor), en plus du livre d'Amir D. Aczel The Mystery of the Aleph: Mathematics, the Kabbalah, and the Search for Infinity (Four Walls Eight Windows, 2000).

Quant au bêta minuscule (β), plus modeste, plus simple aussi, il n'a d'autre fonction (apparente) que de rappeler les multiples « B » de Babylone, de la Bibliothèque de Babel et des Bibliothécaires qui en longent les corridors. Bien entendu, il représente la suite logique du « A » de l'aleph, lettre-alpha de l'« alpha-bet » (α) — mot qui n'a d'autre étymologie que celle-ci : aleph, encore, en passant par la langue phénicienne.

— Le graphème א indice b est cerné autour par trois cintres hexagonaux, deux jaunes inscrits en « négatif », un marron suscrit en « positif ». L'hexagone global formé par ces enchâssements est ouvert à ses deux extrémités gauche et droite, rappelant par là les principes énoncés de la nouvelle : deux faces libres sur six et la présence d'escaliers tournoyant d'un ou des deux côtés libres de chaque hexagone. (Sur cette ambiguïté — 1 ou 2 escaliers par hexagone ? —, on ira consulter le chapitre 5 du livre de William Goldbloom Bloch, qui s'y consacre : « Geometry and Graph Theory: Ambiguity and Access », p. 93-106.) On peut également y imaginer la présence des deux petits cabinets : la chambrette « pour dormir debout » et la toilette.

Les petits carrés blancs qui perlent l'arrière-plan de l'hexagone marron ne sont qu'ajout esthétique. Ils ajoutent sans doute un peu d'irréel et de mystère (raisonnements cabalistiques...) à l'image finale !

— Finalement, les couleurs choisies — jaune, marron, en plus du noir et du blanc — propagent une atmosphère « papetière » et « encrière » indéniable : derrière tous les projets du Collectif de Babel, on trouvera une certaine matière scripturale, une écriture.

Envoyez des commentaires ! Peut-être le logo ne vous plaît-il pas du tout ? Nous aimerions beaucoup l'améliorer dans les prochaines années. Peut-être brûlez-vous de proposer le vôtre ? Allez-y !

Percevez-vous quelques significations telluriques qui nous auraient échappé ? Ajoutez-les ! D'une certaine façon, le logo échappe à la grande Bibliothèque de Babel : son « dessin » n'est pas compris textuellement dans aucun livre de ses multiples rayons... voilà une occurrence rare.

Bibliothécaires de Babel et simples visiteurs, à bientôt !